17-1957
Encore une année de prospérité. Malgré les prix élevés des 356, les
ventes s'emballent (surtout aux USA). Résultat, la production est dépassée et
les délais de livraison sont de plus en plus longs. Butzi (Ferdinand Alexander)
est le premier de la deuxième génération des Porsche à rejoindre la firme.
1. Les véhicules militaires.
Ferdinand Porsche d'abord, son bureau d'étude ensuite, s'étaient toujours intéressés au matériel militaire. Malgré les résultats mitigés obtenus par les tanks Porsche lors de la deuxième guerre mondiale, la firme a gardé la réputation d'être le spécialiste incontesté du char d'assaut. Dès 1951, Ferry Porsche entre en contact avec des représentants de la famille Tata, célèbres industriels indiens, qui veulent construire un tank moderne dans une usine située près de Bombay. Ce groupe Tata existe toujours et fabrique encore des camions et des voitures (dont des 4x4 exportés en Europe). A l'époque, du fait de la guerre, les firmes allemandes concernées (plus spécialement Daimler-Benz) font l'objet d'un boycottage. Ceci gène les Indiens pour qui il est évident que les Allemands sont les plus compétents au monde dans le domaine des blindés. Une solution astucieuse est trouvée. La firme Porsche s'allie à Daimler Benz pour mandater un homme d'affaire suisse afin qu'il crée un bureau d'études sur le territoire helvétique. Ce bureau, simple boite aux lettres des deux firmes allemandes, est autorisé à présenter les plans d'un nouveau char de 32 tonnes destiné à l'armée indienne. L'affaire suit si bien son cours que, trois ans plus tard, le gouvernement indien autorise un accord entre Daimler-Benz et la Tata Engineering pour la création d'une usine de camions et de matériel militaire lourd. Ceci au grand dam des anglais (Leyland) qui considéraient les Indes comme leur chasse gardée. Le Tank présenté par Daimler Benz avait en fait entièrement été dessiné chez Porsche, il ne fut jamais construit. Dans les années cinquante, les pays de l'Otan décident la création d'un char commun, le Standardpanzer. La France se désolidarise vite de l'entreprise et choisit son AMX 30. Les autres pays optent pour le modèle allemand dont plusieurs modèles sont mis en compétition. A ce moment, les dirigeants de Daimler-Benz ne sont pas ingrats, ils conseillent au gouvernement de la République Fédérale de s'adresser à Porsche AG. Ils révèlent du même coup que Porsche a déjà dessiné un char depuis la fin de la guerre. Ceci est le début d'une collaboration ininterrompue entre Porsche et les militaires allemands intégrés dans l'Otan. A l'époque, la guerre froide bat son plein et tout ce qui touche à l'armement est secret militaire. De plus, comme il a déjà été dit, la firme Porsche ne désirait absolument pas que ses clients civils sachent qu'elle était impliquée dans un programme d'armement lourd. Ce ne fut que plus tard que fut enfin connu le rôle de Porsche dans la genèse du Kampfpanzer Léopard.
2. 356A T2 (à partir de
09/1957) : 1600, 1600s et Carrera
Le Technische Programm numéro 2 est appliqué. Notons qu'il y eut un programme T3 simultané au T2 qui sera rejeté, il prévoyait le montage d'arbres d'équilibrage sur les moteurs Super. L'essentiel qui permet de distinguer une 356 A T1 d'une T2 est situé sur la tranche des portières. La butée ("striker pIate") est montée plus bas et est fixée par trois vis à tête cruciforme sur la T2 au lieu de cinq vis fendues sur la T1.
Autre point important : la poignée qui actionne de l'intérieur l'ouverture de la portière est remontée et avancée. Elle se trouve maintenant dans le coin antéro-supérieur de la portière.
Les sorties d'échappement sont intégrées dans les butoirs (sauf sur les
Carrera), officiellement pour augmenter la garde au sol. Cette nouveauté était
inspirée par la mode américaine (comme le proto GM " Le
Sabre " de 1951).
Un Speedster Carrera GS de Luxe : la position de la poignée intérieure de portière montre que c'est un T1 |
A l'arrière, les overriders ne sont plus constitués d'une barre faisant toute la largeur de la voiture, mais sont interrompus en leur centre, de manière à ce que la plaque d'immatriculation ne soit plus masquée.
Enfin sur la 356 A T2 apparaît le célèbre enjoliveur chromé, portant sur un bossage central l'écusson émaillé Porsche. Cet enjoliveur est standard sur les hauts de gamme (1600 S, Carrera) et c'est une option très demandée sur les autres modèles.
Enfin, on lance assez laborieusement la fabrication en série d'un hard-top en tôle destiné aux Cabrio (qui reçoivent aussi un déflecteur). Ce hard-top ne rencontrera que peu de succès. Dès 1957, on imagine la création d'un modèle à hard-top soudé qui sera fabriqué plus tard chez Karmann.
La motorisation des T2 n'a pas subi de changement, tous les moteurs non
Carrera sont des 1.600cc avec des vilebrequins Alfinger succédant aux Hirth. En
fin 57, les embrayages à ressorts sont remplacés par des embrayages à
diaphragme. En ce qui concerne les 356A GS Carrera, le service commercial
décide qu'il y aurait intérêt à scinder la production en deux lignées
distinctes : les GS de Luxe et les GS/GT.
Le Speedster historique Carrera GS/GT de Bruce Jennings dit "King Carrera" |
Il y a en même temps une évolution de la cylindrée du moteur motivée par les
changements de réglementation de la FIA. La catégorie GT étant plafonnée à 1.600cc
au lieu de 1.500cc Porsche crée le moteur 1600 GS, qui coexiste avec le 1500
GS, ce dernier étant plus particulièrement réservé aux courses dans la
catégorie Sport.
Les 356 GS de Luxe ont une finition au moins aussi luxueuse que celle des
modèles normaux et sont destinées au tourisme. Elles ont toutes une
installation de chauffage et de dégivrage. Leur moteur est légèrement moins
puissant (105 cv) que celui des Gran Turismo, à cause d'un réglage différent
des carburateurs et d'un échappement moins direct. Ce sera un échec commercial
complet. Pour un usage urbain ou touristique, ces voitures ne présentent que
des inconvénients par rapport aux 1600 Super, principalement parce que le
moteur Carrera n'est pas du tout performant à bas régime. De plus, les premiers
vilebrequins Hirth se détériorent parfois très vite lorsqu'ils doivent tourner
en dessous de 2.500 t/min, par exemple lors de l'attente à un feu rouge. Enfin,
les bougies s'encrassent très rapidement en ville et il faut avoir recours à un
mécanicien spécialisé pour les changer. Aux Etats-Unis, ces voitures sont une
telle source de mécontentement que les agents refusent bientôt de les proposer
à leurs clients.
Les 356 GS Gran Turismo (GS/GT), plus destinés à la compétition, ont la
finition très sportive typique des Carrera. L'échappement de forme spéciale ne
permet pas l'installation de boites de chauffage. Les GS/GT ne seront plus
livrables en cabriolet, seuls sont fabriqués des Coupés (en version allégée) et
des Speedster. Ces derniers commencent une extraordinaire carrière sportive aux
USA. Un pilote de Speedster GS/GT, Bruce Jennings, se couvrira de gloire et
sera même surnommé "king Carrera ".
3. Les records du Speedster.
Le Speedster 356 A 1500 Carrera GS des records de Monza: 1.000 miles, 2.000krn et12 heures (11 mars 1957). |
En mars, des amis de la maison Porsche décident de se lancer dans la chasse au record sur le circuit de Monza. La voiture choisie est un Speedster 1600. Tous les records de distance, déjà anciens il est vrai, tombent. Le plus marquant est celui des 12 heures parcourues à 186 km/heure de moyenne, arrêts compris. Le meilleur tour est effectué à 205.6 km/ heure.
4. La 718 RSK (ou 1500 RSK).
Quoique le Spyder 550 A continue à avoir un potentiel de gagneur (comme au
Mans), il est urgent de lui trouver un successeur. Mickymaus avait été un
prototype trop révolutionnaire pour être efficace. Il est clair que les gens de
Porsche ne dominent pas encore bien les bases théoriques de la géométrie des
suspensions à triangles inégaux. On décide donc de modifier légèrement la 550A
et on la rebaptise 718 RSK. Le K est une allusion à la forme de la partie du
châssis tubulaire qui supporte les barres de torsion. Vue de l'avant, elle
ressemble à une lettre K couchée. L'inclinaison des barres de torsion génère un
carrossage négatif des roues avant lorsque la suspension est comprimée, ce qui
est favorable. Malheureusement, cette disposition est génératrice de shimmy et
sera abandonnée avant la fin de 1957. Néanmoins, la belle sonorité de
l'appellation RSK sera utilisée jusqu'en 1959. La 718 a les mêmes dimensions
qu'une 550 mais elle est plus basse. L'avant rappelle celui de Mickymaus.
L'arrière est voisin de celui d'une 550 avec deux grilles de refroidissement
placées très à l'arrière. On pratique aussi des essais de refroidissement du
moteur d'une RSK en profitant de l'effet de succion des échappements (dispositifs
inventé par Wendel Fletcher). Les résultats sont excellents, à tel point que la
turbine peut être supprimée, ce qui fait gagner 15cv. Malheureusement, le
"jet cooling" est trop bruyant pour pouvoir être utilisé, même en
compétition. Les freins (à tambour) sont agrandis, La grande nouveauté est un
radiateur d'huile intégré dans le couvercle du capot avant utilisant la
carrosserie extérieure non peinte comme interface air-huile. Sur la RSK de
1957, la suspension arrière est encore identique à celle des 550, elle-même
dérivée de celle des 356. Les choses changeront en 1958.
Spyder 718 RSK muni de dérives (12 heures de Sebring, 24 heures du Mans) photographié à Laguna Seca en 1998 |
L'instabilité à haute vitesse de Mickymaus (type 645) a beaucoup préoccupé les ingénieurs. S'ils sont persuadés depuis l'Auto Union de GP qu'un faible moment d'inertie polaire est indispensable pour une voiture de course, ils essayent de stabiliser la voiture à haute vitesse. Pour la ligne droite des Hunaudières, ils munissent une RSK de deux dérives verticales du plus bel effet. Leur efficacité ne sera jamais prouvée et on en placera suivant les desiderata des pilotes. Personne ne pense déjà plus à l'aileron du Spyder de Michael May. Il aurait été plus intelligent de l'adopter plutôt que de le faire sournoisement interdire.
5. Le Mans
Le Spyder 550 A de Claude Storez (abandon aux 24 heures du Mans 1957) |
Cette année, les Porsche n'ont pas l'occasion de pavoiser. Sur six inscrits, un seul Spyder550A va terminer. C'est un exemplaire privé aux couleurs US (blanc et bleu) piloté par Hugus et de Beaufort qui va terminer huitième au classement à la distance. Parmi les abandons, il faut noter le prototype n°1 des 718 RS, trois 550A et un Speedster Carrera, seule participation d'un Speedster aux 24 heures du Mans.
6. Que de succès.
Il faut citer la splendide victoire au classement général du Liège-Rome-Liège de l'équipage Storez-Buchet au volant d'un Speedster Carrera. Le même équipage remporte la même année le Tour de France. En ce qui concerne les victoires de classe, il faut citer aux Mille Miglia Maglioli sur une 550 A et Strahle-Linge en Carrera. Pendant ce temps, les Spyder continuent à récolter des victoires de classe dans tous les circuits des Etats Unis. Citons la deuxième victoire consécutive à l'indice de performance d'un Spyder 550 A aux 12h Sebring.